Le Français au quotidien

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Examen 16

TEXTE

Créon : Un matin, je me suis réveillé roi de Thèbes et dieu sait si j’aimais autre chose dans la vie que d’être puissant…
Antigone : Il fallait dire non, alors !
Créon : Je le pouvais, seulement, je me suis senti  tout d’un coup comme un ouvrier qui refusait un ouvrage. Cela ne m’a pas paru honnête. J’ai dit oui.
Antigone :  Et bien, tant pis pour vous. Moi, je n’ai pas dit « oui » ! Qu’est-ce que vous voulez que cela me fasse, à moi, votre politique, votre nécessité, vos pauvres histoires ? Moi, je peux dire « non » encore à tout ce que je n’aime pas et je suis seul juge. Et vous, avec votre couronne, avec vos gardes, avec votre attirail, vous pouvez seulement me faire mourir parce que vous avez dit « oui ».
Créon : Ecoute-moi.
Antigone : Si je veux, moi, je peux ne pas vous écouter. Vous avez dit « oui ». Je n’ai plus rien à apprendre de vous. Pas vous. Vous êtes là à boire mes  Paroles. Et si vous n’appelez pas vos gardes, c’est pour m’écouter jusqu’au bout.
Créon : Tu m’amuses !
Antigone : Non. Je vous fais peur. C’est pour cela que vous essayez de ma sauver. Ce serait tout de
même plus commode de garder une petite Antigone vivante et muette dans ce palais. Vous êtes trop sensible pour faire un bon tyran, voilà tout. Mais vous allez tout de même me faire mourir tout à l’heure, vous le savez, et c’est pour cela que vous avez peur.
Créon, (sourdement) : Et bien, oui j’ai peur d’être obligé de te faire tuer si tu t’obstines. Et je ne le voudrais pas.
Antigone : Moi, je ne suis pas obligée de faire ce que je ne voudrais pas ! Vous n’auriez pas voulu
Non plus, peut-être, refuser une tombe à mon frère ? Dites-le donc, que vous ne l’auriez pas voulu ?
Créon : Je te l’ai dit.
Antigone : Et vous l’avez fait tout de même. Et maintenant, vous allez me faire tuer sans le vouloir.Et c’est cela, être roi !
Créon : Oui, c’est cela !
Antigone : Pauvre Créon ! Avec mes ongles cassés et pleins de terre et les bleus que tes gardes m’ont fait aux bras, avec ma peur qui me  tord le ventre, mais je suis reine.
Créon : Alors, aie pitié de moi, vis. Le cadavre de ton frère qui pourrit sous mes fenêtres, c’est
assez payé pour que l’ordre règne dans  Thèbes. Mon fils t’aime. Ne m’oblige pas à
Payer avec toi encore. J’ai assez payé.
Antigone :Non. Vous avez dit « oui ». Vous ne vous arrêterez jamais de payer maintenant !
Créon, (la secoue soudain, hors de lui) :Mais, bon Dieu ! Essaie de comprendre une minute, toi aussi, petite idiote ! J’ai bien essayé de te comprendre, moi. Il faut pourtant qu’il y en ait qui disent oui. Il faut pourtant, qu’il y en ait qui mènent la barque. Cela prend l’eau de toutes parts, c’est plein de crimes, de bêtises, de misère…Et le gouvernail est là qui ballote. L’équipage ne veut plus  rien faire, il pense, il ne pense qu’à piller la cale et les officiers sont déjà en train de se construire un petit radeau confortable, rie que pour eux, avec toute la provision d’eau douce pour tirer au moins leurs os de là. Et le mât craque, et
le vent siffle, et les voiles vont se déchirer, et toutes ces brutes vont crever toutes ensemble, parce qu’elles ne pensent qu’à leur peau, à leur précieuse peau et à leurs petites affaires. Crois-tu, alors, qu’on a le temps de faire le raffiné, de savoir s’il faut dire « oui » ou « non », de se demander s’il ne faudra pas
payer trop cher un jour et si on pourra encore être un homme après ? On prend le bout de bois, on redresse devant la montagne d’eau, on gueule un ordre et on tire dans le tas, sur le premier qui s’avance. Dans le tas ! Cela n’a pas de nom. C’est comme la vague qui vient de s’abattre sur le pont devant vous ; le vent qui vous gifle, et la chose qui tombe dans le groupe n’a pas de nom. C’était peut-être celui qui t’avait donné du feu en souriant la veille. Il n’a plus de nom. Et toi non plus, tu n’as llus de nom, cramponné à la barre. Il n’y a plus que le bateau qui ait un nom et la tempête. Est-ce que tu comprends, cela ?
Antigone : Je ne veux pas comprendre. C’est bon pour vous. Moi je suis là pour autre chose que pour comprendre. Je suis là pour vous dire non et pour mourir.

 

 

QUESTIONS :

1- Donne deux caractéristiques de ce texte qui en font un texte théâtral.

2- Qui parle ? À qui ? Quels liens familiaux et sociaux unissent les deux protagonistes ?

3- Retrouve, dans les répliques, des indices spatiaux qui permettent de situer le décor.
1- a) À l’aide de tes connaissances sur la pièce et à la lecture du passage ci-dessus, explique
quel est le différend qui oppose les deux personnages.
   b) Retrouve dans les répliques échangées par les personnages, des lignes 1 à 8 et 18 à 21,
des expressions qui traduisent leur opposition, en se faisant écho.

4- a) Observe bien la longueur des répliques et indique qui semble en position de supériorité
dans la majeure partie du passage, puis à la fin du texte. Explique la variation qui
intervient aux lignes 58 à 91.

    b) Quel signe de ponctuation caractérise les répliques d’Antigone, en particulier dans
« Et c’est cela, être roi ! » (ligne 45) et « Pauvre Créon ! » (ligne 47) ? Sur quel ton
prononce-t-elle ces phrases ?

5- À quoi Antigone dit-elle « non » ? Que revendique-t-elle de cette manière ?

6- a) À quel mode est conjugué le verbe « écouter » à la ligne 18 ? Quelle est la valeur de ce
mode ?

    b) Quels sentiments Créon éprouve-t-il à l’égard d’Antigone ?

7- À quoi Créon a-t-il dit « oui », ligne 8 ? Comment justifie-t-il sa réponse ?

8- a) Des lignes 58 à 62, quel mot désigne le pouvoir royal ? De quelle figure de style s’agit-il ?

b) Quel est le champ lexical qui développe cette figure de style? Relève
au moins quatre termes dans la réplique.

9- Qu’est-ce que Créon, dans sa tirade, essaie de mettre en lumière ?

 

 



17/05/2012
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